Recherches
Violoniste et chercheuse, interprète et docteure, voilà deux pôles complémentaires de mon activité nourrie de curiosité et d’ouverture. Autour d’eux s’organise une pléiade de projets, passés, en cours, à venir : c’est à un rapide état des lieux qu’invite cette page.
Doctorat de Musique : Recherche et Pratique (université Paris-Sorbonne/CNSMDP)
En 2016, je suis devenue la première violoniste docteure du doctorat de Musique : Recherche et Pratique, dispensé conjointement par l’université de Paris-Sorbonne et le Conservatoire National Supérieur de Musique et de Danse de Paris (CNSMDP, 3e cycle supérieur). Ce nouveau doctorat créé en 2009 est destiné, pour reprendre les termes officiels, exclusivement aux « interprètes de très haut niveau menant une recherche pour et à travers l’interprétation ».
Six années d’études , deux années passées à étrenner les nouveaux statuts de musicien-chercheur associé et de musicien-chercheur invité Pasteur Vallery-Radot à la Bibliothèque nationale de France (BnF), deux inventaires inédits, une base de données, Melos, bientôt en ligne sur le site de l’Institut de Recherche en musicologie (IReMus), une foule de concerts, un CD, de multiples événements scientifiques et culturels, de prestigieuses collaborations : la thèse fut une aventure d’autant plus importante qu’elle concrétise la réunion des compétences d’interprète et de chercheur.
Thèse
Intitulée Penser l’interprétation des sonates françaises pour piano et violon au XIXe siècle (1800-1870) : des sources au concert, forte de deux volumes totalisant 1082 pages, ma thèse a été réalisée sous la direction du Professeur Jean-Pierre Bartoli à l’université Paris-Sorbonne et de Christophe Coin au CNSMDP. Une base de données numérique, Melos, ainsi qu’un CD contenant trois sonates enregistrées par moi-même et Yoko Kaneko au pianoforte, y sont associés. Le jury, composé à la fois de personnalités du milieu scientifique et musical, lui a décerné la mention Très honorable avec les félicitations du jury, à l’issue d’une soutenance en deux volets, composée d’un récital à la Philharmonie de Paris, avec des instruments du Musée de la Musique, suivi de la soutenance académique.
Pour en savoir plus, composition du jury, programme du récital, déroulement, dates, etc., on peut se reporter à mon article écrit pour l’occasion.
C’est par ailleurs grâce aux mécènes qui m’ont distinguée et soutenue au long de ce doctorat que la thèse a pu voir le jour : la Fondation Meyer pour le développement culturel et artistique, le Centre international Nadia et Lili Boulanger, le Mécénat Musical Société Générale, le legs Pasteur Vallery-Radot de la Bibliothèque nationale de France, la Fondation Safran pour la musique et la Fondation de France.
Penser l’interprétation des sonates françaises pour piano et violon au XIXe siècle (1800-1870) : des sources au concert
Pour consulter la référence et les résumés de la thèse, voir en bas de page.
Mes travaux de thèse sont orientés en deux axes connexes : d’un côté, le référencement des sonates pour piano et violon (formule générique englobant différentes évolutions de la sonate), de l’autre, l’étude de leur interprétation, pour la période 1800-1870.
Ces bornes temporelles encadrent un vide surprenant de la connaissance des œuvres françaises du genre de la sonate pour piano et violon. Ce dernier est-il le désert musical séculaire qui lui est attribué entre Jean-Marie Leclair et Gabriel Fauré ? Les œuvres d’un Georges Onslow ou d’une Louise Farrenc ont certes été récemment redécouvertes, mais l’état de notre connaissance est resté majoritairement lacunaire. Nul catalogue jamais effectué, pas même l’ombre d’un recensement : les violonistes s’accommodent de ce blanc qui paraît bien surréaliste, à l’heure où les archives musicales du XVIIIe siècle ont connu d’intenses prospections, tant de la part des musicologues que de celle des interprètes.
L’interprétation en pratique…
Le référencement des œuvres était donc une première nécessité. Mais ma démarche consiste également, en violoniste, à interroger l’interprétation des sonates. Qui les jouait ? De quelle manière et dans quelle cadre ? Quelles différences avec le jeu actuel ? Comment jouer aujourd’hui ce répertoire oublié, aux traditions d’interprétation perdues ? C’est à toutes ces questions que tâche de répondre la thèse. Une étude historique est menée sur le jeu des violonistes de l’époque. L’analyse d’une somme de près de 300 méthodes pédagogiques de violon publiées en France dans un large XIXe siècle (fonds BnF), celle des partitions annotées de la bibliothèque musicale de l’immense violoniste Pierre Baillot (1771-1842, fonds BnF également), associées étroitement à l’étude d’autres témoignages et évolutions, ont permis de faire émerger des différences essentielles. Maints éléments nouveaux émergent, qu’ils concernent la tenue des instruments, l’acception des termes utilisés ou l’emploi des ornements.
… et en question
Mais ces données révélées sont aussi mises en relation avec notre époque. C’est la responsabilité de l’interprète de s’interroger sur sa responsabilité à faire redécouvrir des œuvres oubliées. Ecrit, non écrit : la partition du XIXe siècle, trop vite assimilée à nos habitudes contemporaines, doit par exemple faire l’objet d’une attention particulière. La polysémie du signe au XIXe reste méconnue pour les interprètes d’aujourd’hui, d’où un vrai travail d’étude et de réflexion sur ce point. L’interprétation concerne aussi quantité d’aspects qui ne relèvent pas du signe : l’emploi du vibrato, des ports de voix, toutes pratiques régies par le fameux bon goût proclamé avec récurrence dans les sources. En confrontant la théorie des méthodes avec les partitions annotées pour le concert, en mettant en relation ces informations avec les commentaires de presse, les notions esthétiques, les ouvrages d’alors, dans une approche contextuelle, la thèse s’attache à donner des clés pour l’interprétation des sonates.
Objectifs
Mon objectif le plus large est simple : œuvrer à la diffusion des œuvres, faire découvrir au public, à travers mes activités tant musicales que scientifiques, le corpus oublié découvert lors de mes recherches doctorales sur ce corpus et son interprétation. Pour beaucoup, au-delà de leur valeur historique et musicologique, les sonates inconnues de la période 1800-1870 ont une réelle valeur musicale, qui doit permettre de les révéler au public en les inscrivant au programme de concerts et d’enregistrements.
Ma démarche vise donc à mettre en lien direct mes recherches avec leur concrétisation musicale, en deux desseins définis :
– d’une part la mise à disposition, auprès de la communauté scientifique, des informations lacunaires qui concernent aussi bien le corpus que l’interprétation, en donner ainsi l’accès aux interprètes,
– d’autre part, faire connaître ce répertoire oublié au public à travers des manifestations de différentes natures, destinées aussi bien aux spécialistes qu’au grand public. Le profil d’interprète-chercheur permet de les mener conjointement, via mes concerts, enregistrements, bien sûr, mais aussi des émissions de radio, publications, communications, comme on peut en voir et en entendre le témoignage sur ces pages.
Autour de la thèse
Mais une thèse de doctorat, ce n’est pas que la thèse ! C’est aussi un ensemble d’activités complémentaires qui servent à l’alimenter, à la valoriser, à relier les établissements et les disciplines pour dépasser les clivages habituels, à travailler également à la reconnaissance du nouveau profil de musicien-chercheur. Ce sont bien sûr les événements musicaux, concerts au violon, émissions de radio autour des problématiques de thèse, enregistrements. Qu’il s’agisse d’édition, d’organisation de journées d’études (trois durant mon doctorat), d’implication au sein du laboratoire Institut de Recherche en musicologie IReMus (CNRS, BnF, université Paris-Sorbonne, Ministère de la Culture), de contributions à des programmes de recherche, de participation à des colloques internationaux au cours desquels j’associe concert et communication, de publications, les réalisations scientifiques, toujours articulées à la pratique, ne sont pas en reste. C’est ce maillage serré qui définit la thèse et lui donne tout son sens.
Après la thèse – Projets
Et justement, la thèse désormais terminée, c’est avec de nombreux projets que se dessine le futur. Interprète et chercheuse, voilà une double compétence dont l’avenir, au-delà du doctorat, est encore à inventer ! Le Prix du Mozarteum de France, ma qualification aux fonctions de maître de conférences (une première pour un docteur du cursus), la poursuite de ma charge de cours à la Sorbonne, en constituent quelques piliers. Ce sont donc à la fois des projets musicaux et scientifiques qui composent mon programme à venir. De passionnants sujets de recherche sont encore à découvrir, une édition pour Bärenreiter ou – mais chut ! – d’autres aventures seront à découvrir sur ces pages…
Pour citer la thèse
KUBIK, Cécile, Penser l’interprétation des sonates françaises pour piano et violon au XIXe siècle (1800-1870) : des sources au concert, thèse de Musique : Recherche et Pratique, dir. Jean-Pierre Bartoli et Christophe Coin, université Paris-Sorbonne/CNSMDP, 2016, 2 vol., 802 p. – 280 p. Un CD consacré aux sonates de Baillot, Alkan, Alard, est partie intégrante de la thèse.
Résumés
Penser l’interprétation des sonates françaises pour piano et violon au XIXe siècle (1800-1870) : des sources au concert
La thèse considère la double inconnue d’un répertoire et d’un jeu violonistique encore inexplorés. La recherche dévoile les sonates françaises pour piano et violon de la période 1800-1870, mais questionne aussi leur interprétation. Une étude historique est menée sur le jeu des violonistes français : la base de données Mélos, deux inventaires inédits, l’analyse de maintes sources et témoignages, notamment un imposant corpus de traités pédagogiques de violon publiés en France au XIXe siècle et les partitions annotées du fonds Baillot de la Bibliothèque nationale de France (BnF), apportent des éclairages originaux sur ce sujet. L’ambition est de construire aujourd’hui, violon en main, une interprétation de ces sonates méconnues et, avec la création d’outils destinés aux interprètes et aux scientifiques, d’œuvrer à leur diffusion.
From Sources to Concerts: the Interpretation of French Sonatas for Violin and Piano from the 19th-Century (1800-1870)
This dissertation addresses the twofold issue of a violin repertoire and a performance practice, both of which had yet to be explored. French sonatas for piano and violin ranging from the 1800s to the 1870s are unveiled. Their interpretation is also discussed. The performance practices of French violinists are studied from a historical perspective. The Melos database, two previously unpublished inventories, the analysis of numerous sources and testimonies, including an extensive corpus of 19th-century French violin methods and the annotated scores from the French National Library’s Baillot collection are used to tackle this question in the light of multiple criteria.
The final purpose of this thesis is to combine theory and practice to bring about an interpretation of these little-known sonatas and to foster new tools for interpreters and scientists with a view to promulgate these works.